Quelle humanité pour un monde déshumanisé ?



Un citoyen est un individu membre d’un état disposant de droits et de devoirs politique ainsi que civiques. Cette reconnaissance garantie sa liberté, son droit d’intervenir et d’agir dans la cité. Qu’en est-il de ces droits dans Watchmen ?

Des citoyens lambda en guise de super héros

Dans Watchmen nous n’avons pas à faire à des super héros commun à tous les comics. Ces hommes et ces femmes vertueux sont des individus lambda tout comme nous. Dotés d’une âme de justicier, ces super-héros dépourvus de pouvoirs spéciaux, ont troqué leur petite vie banale contre une lutte sans relâche contre le crime et la violence qui menace la ville. Hollis Mason, le premier Hibou en est l'exemple parfait. Ancien policier, passionné de voitures et de comics, il se décide à porter un masque pour combattre le crime. Plusieurs autres personnes, pas forcément animées des mêmes intentions se joindront à lui. Ennemis des meurtriers, des tortionnaires et autres bandits, ils tentent ardemment de maintenir l’ordre en les pourchassant vêtu de leurs costumes de héros. Des citoyens exemplaires pourrait on dire, or en réalité ce n’est pas protéger leurs concitoyens mais les mettre en garde qui les importent.

Chapitre 6, p. 15

En effet, cette chasse aux malfaiteurs est certes une punition mais surtout un avertissement à ce comporter de manière irréprochable. Ces civils ont fait le choix de se dresser contre le système policier et de rendre justice eux même imposant ainsi leurs propres visions de la sécurité et se hissant au rang de «défenseur» attitré. A défaut d’enquête, d’arrestation ou de procès, ces justiciers instaurent un modèle judiciaire bien plus simple et rapide : ils corrigent immédiatement et directement les malfaiteurs. Fiers de l’autorité qu’ils se sont octroyés, ils se revendiquent d’être « à la fois juge, jury et bourreau. » et exhibent leurs faits en livrant ligotés à la police leurs « trophées ». Cet acte est bel et bien un avertissement à la population : enfreindre la loi assure une correction des Watchmen.



Une population sous la poigne de citoyens masqués

Spectateurs, ils adulent dans un premier temps ces supers héros sortis de nulle part n’ayant conscience de ce que cela implique. En effet, ils apparaissent comme des « sauveurs » rendant service à la population en les libérant des criminels qui effrayaient les citoyens. Aux yeux de tous, ils sont ceux qui se chargent de la tâche ingrate : régler les comptes de ce qui le mérite. Cette fascination est également due au passé du comédien (qui permet d’éviter le scandale du Watergate) et de Dr Manhattan (qui permet aux USA de gagner la guerre du Viêt Nam). Ces références rassurent et confortent les citoyens dans leur adulation.

Chapitre 4, p. 23

Cependant, le temps passe et les justiciers se font de plus en plus violents ne semblant plus pouvoir contrôler leur soif de justice ce qui bouleversera les esprits. La fierté de leurs actes, les avertissements de plus en plus récurrents et violents inspirent terreur et crainte. De plus, la jeunesse se rebelle, moins encline à accepter ceux que la génération de leurs parents considèrent comme des super héros. Les codes ont changé, ce ne sont plus les super héros qui sont à la mode dans les magazines bon marché, ce sont les pirates. C’est alors que la population ouvre les yeux et fait le constat : Qui sont ses citoyens qui s’octroient le droit de rendre justice ? Qui les contrôlent ? Dés lors, les réels motifs de ces « masques » sont remis en question et la nature de Dr. Manhattan inquiète au vu de sa surpuissance Nucléaire.
Un mouvement de protestation voit le jour, les citoyens s’exprime et affronte ces représentants de l’ordre… Les super héros terrifient, ils sont craints et pointés du doigt. Ces questions et revendications, c’est notamment par le street art qu'elles apparaitront au moyen de tags "Who watches the watchmen?"! ("Qui (nous) garde des Gardiens?"). Au vu de ce soulèvement et pour des raisons évidentes de contrôle et de sécurité, le gouvernement fera alors voter la loi KEENE plaçant ces « super-héros » dans l’illégalité, excepté le Comédien et le Docteur Manhattan qui travaillent pour l'Etat.

Une humanité confrontée à un monde qui la dépasse

Mais qu'en est-il véritablement des gens normaux. De ceux que croisent les héros masqués, ceux qui ne se soucient pas de rendre la justice ou de sauver le monde. Ils sont présents dans le comics et ce sous plusieurs formes. Il y a d'abord le kiosquier et le jeune plongé dans ses comics. Le premier vend des journaux et commente l'actualité avec ses clients. Il représente le fameux bon sens commun, se contentant d'une analyse superficielle de l'actualité et de ses enjeux. Touché par les faits divers et par les gros titres accrocheurs, il symbolise à lui seul une bonne majorité de la population, celle qui a peur mais qui continue à vivre et à s'horrifier pour des faits divers aussi sanglants qu'accrocheurs et anecdotiques.

Le jeune garçon aux comics est quant à lui toujours absorbé par sa lecture. Alors que le kiosquier lui parle, l'adolescent ne répond pas et reste plongé dans sa bande dessinée. Il est tellement passionné que nous en venons même à partager sa lecture, ses fameuses histoires de pirates. Ceux-ci sombrent dans la folie en même temps que le monde extérieur. Ainsi, sans le vouloir, il reste connecté à son environnement. 

Chapitre 3, p. 2

La relation de ces deux individus est particulière. Ils ne se parlent pour ainsi dire pas, ne savent rien l'un de l'autre mais à force de passer leurs journées l'un près de l'autre, ils finissent par créer des liens. Le kisoquier va offrir au garçon le comic qu'il lit, ainsi que sa casquette. Et ils se jetteront dans les bras l'un de l'autre au moment de mourir, offrant par là même l'une des images les plus puissantes du comics, et qui fait le lien avec un tag présent dans la ville, de deux ombres enlacées et qui fait référence à la catastrophe d'Hiroshima.

Chapitre 11, p.30

Ce kiosque à journaux est le point central de toutes les personnes normales du livre. Toute ont un lien avec. Soit elles passent devant, soit elles sont clientes. Mais, le lien peut aussi être moins direct : le journal d'extrême-droite The New Frontiersman, notamment lu par Rorschach, est distribué dans ce kiosque et le vendeur de journaux se plaint fréquemment des retards de publication.
Le symbole de ce kiosque est très intéressant. En en faisant un point de rencontre des gens normaux, l'auteur met les médias au coeur des relations humaines. Ce n'est pas un café, un restaurant ou une entreprise qu'il a choisi pour rassembler les personnages. Il cherche ici à mettre en avant la place que prennent les médias dans notre société et l'impact qu'ils ont sur nos vies. Il remonte d'ailleurs jusqu'à la rédaction du New Frontiersman et décrit la vie de ce journal et la manière dont il construit l'information. Le moins que l'on puisse dire c'est que Moore est très sévère puisqu'il n'hésite pas à montrer la manipulation de l'information, juste pour créer des scoops qui feront vendre. Il est intéressant de constater que c'est également de cette manière que Moore a choisi de finir le comic. Dans l'incertitude liée aux médias. On voit uniquement l'assistant de rédaction qui va peut être ou non, se saisir du journal de Rorschach et permettre à la vérité d'éclater, replongeant à nouveau le monde dans le chaos.
Le parcours du psychologue est également assez révélateur, non pas tant de l'humanité que de Rorschach. Le psychologue en question est chargé d'examiner le prisonnier et il voit dans ce travail la possibilité d'avancer professionnellement. Néanmoins, cet homme ordinaire, confronté à un être aussi psychopathe va peu à peu sombrer dans la dépression.

L'humanité telle qu'elle est décrite dans Watchmen est semblable à la nôtre dans le sens où elle est également sensible à la communication qu'elle soit politique ou médiatique.

Sources :




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